Licorne d’Or meilleur film du festival d’Amiens 2015

Source: Mediapart
Publish Date: 23 NOV. 2015
Author: CÉDRIC LÉPINE

Sortie nationale (France) du 23 décembre 2015 : La Montagne magique d’Anca DamianAprès Le Voyage de M. Crulic, Anca Damian réalise avec La Montagne magique le second opus de sa trilogie consacrée à l’héroïsme. Son regard privilégie des histoires singulières d’individus dont l’histoire officielle n’a pas souhaité retenir le nom. Poursuivant sa démarche documentaire, Anca Damian s’intéresse ici à la vie d’Adam Jacek Winkler, un polonais qui s’est exilé à Paris dans les années 1960 et qui a combattu l’armée russe aux côtés du commandant Massoud lors de l’invasion de l’Afghanistan (1979-1989).

Sortie nationale (France) du 23 décembre 2015 : La Montagne magique d’Anca Damian Après Le Voyage de M. Crulic, Anca Damian réalise avec La Montagne magique le second opus de sa trilogie consacrée à l’héroïsme. Son regard privilégie des histoires singulières d’individus dont l’histoire officielle n’a pas souhaité retenir le nom. Poursuivant sa démarche documentaire, Anca Damian s’intéresse ici à la vie d’Adam Jacek Winkler, un polonais qui s’est exilé à Paris dans les années 1960 et qui a combattu l’armée russe aux côtés du commandant Massoud lors de l’invasion de l’Afghanistan (1979-1989). Ce personnage original ne répond pas aux idées de l’héroïsme frauduleusement établies par le cinéma de fiction, surtout lorsqu’il émane d’une grande industrie cinématographique cachant mal son idéologie sous-jacente. Ainsi, Anca Damian met moins en valeur l’héroïsme qu’elle ne l’interroge. La biographie de son personnage principal est traité ici par l’animation, mêlant dessins animés ou fixes, collage, animation numérique, etc.

Il faut préciser qu’Adam Jacek Winkler a lui-même dessiné et pris des photographies au cours de sa vie et que ceux-ci se trouvent directement ou indirectement dans le film qui conte son histoire. L’animation dans le cadre documentaire permet de préciser des états d’esprit, des atmosphères, permettant de s’approcher au mieux de la subjectivité dudit personnage principal. Car le récit à travers des entretiens enregistrés face caméra n’auraient pas permis de rendre réellement compte du parcours personnel et atypique de cet homme : il fallait bien la poésie sans limites des dessins pour en faire l’honnête témoignage !. À tout moment, la cinéaste utilise au sein d’une large palette, l’animation la plus appropriée à son récit. À première vue, on est embraqué dans une histoire qui s’apparente bel et bien à de la fiction, d’autant plus que le récit se fait en voix off à la première personne, où le chanteur Christophe Miossec interprète Adam Jacek Winkler dialoguant avec sa fille qu’il a dû quitter pour suivre ses pérégrinations en Afghanistan.

En plus de constituer une véritable création hors normes déplaçant les frontières que d’aucuns voudraient étroites de ce qu’est un documentaire, La Montagne magique permet de revisiter l’histoire post Seconde Guerre mondiale au-delà du cadre restrictif d’un État et de ses frontières. Avec perspicacité et avec une justesse inédite en la matière, Anca Damian démontre que l’histoire officielle décrite à partir du point de vue national ne parle pas de la réalité vécue de chacun. Ainsi, le parcours d’Adam Jacek Winkler est une véritable leçon d’histoire, permettant de prendre conscience que l’histoire s’écrit aussi à travers ceux qui osent sortir du cadre étroit et inique des frontières, pour aller interroger sa propre identité, et par là le sens de sa vie et de son engagement politique, dans
l’ailleurs.

Ce nouveau film d’Anca Damian est véritablement la preuve du renouvellement qui s’est opéré depuis quelques années dans le cinéma documentaire qui a osé s’associer à l’animation. Il y eut ainsi Valse avec Bachir d’Ari Folman (2008) et plus récemment L’Image manquante de Rithy Panh : La Montagne magique fait partie de ces chefs-d’oeuvre qui ont aussi pour point commun d’apporter une réflexion politique engagée et citoyenne sur l’histoire. Le jury du dernier festival d’Amiens ne s’y est pas trompé en lui attribuant la Licorne d’or du meilleur long métrage.